Chers lecteurs et chères lectrices,
Je reviens, après une longue période de silence, à l’écriture de ce blog. Mais j’ai une bonne excuse : il m’a fallu tout ce temps pour préparer un guide de survie de l’enseignant-chercheur indépendant, qui devrait sortir le 2 décembre prochain, au moins dans sa version e-book.
Ce guide est le résultat d’un peu plus d’un an d’introspection. Qu’ai-je appris ces dix dernières années ? Comment vous le transmettre efficacement au-delà de ce blog ? Est-ce que je suis toujours en accord avec ce que j’ai écrit il y a plusieurs années ? Est-ce que cet ouvrage va me porter (préjudice) à l’avenir ?
Bref, dans ce guide, vous trouverez la reprise de certains posts du présent blog, mais aussi de nouveaux textes, incluant des conseils, des anecdotes tirées de mes mésaventures, des blagues plus ou moins douteuses, et des références pop-culture que j’affectionne.
Un beau bébé de plus de 200 pages tout de même !
Mais le sujet de ce post n’est pas le contenu du guide, mais celui de son édition.
Dès le début, je savais que je ne voulais pas aller chez un éditeur traditionnel, et que je souhaitais éditer moi-même mon livre. Pourquoi ? D’abord, parce que je suis curieuse et que j’avais envie de voir si cela pouvait être rentable ; ensuite, du fait de ma précédente expérience avec les éditeurs qui ont publié mes deux premiers ouvrages.
Et je dois dire, la première fois que j’ai publié un livre, je suis tombée de haut. Je pensais naïvement que j’allais être rémunérée par l’éditeur pour produire mon livre, comme cela avait été le cas pour mon beau-frère qui est journaliste. Grossière erreur : avec mes collègues, nous avons dû au contraire nous mettre en quête de plusieurs milliers d’euros de financement pour pouvoir publier le livre. Pour publier ainsi mes deux ouvrages, le montant à lever était inférieur à 10 000 €, mais pour certains livres d’architecture comprenant un travail iconographique plutôt riche, la facture peut parfois atteindre plus de 20 000 €.
Ce financement était surtout une avance pour assurer l’achat de plusieurs ouvrages, afin que toute l’opération s’avère rentable pour l’éditeur. En effet, celui-ci imprime beaucoup de livres pour pouvoir les vendre (environ 1000 pour chacun des miens si j’ai bonne mémoire), car il faut pouvoir rembourser tous ses coûts de production : faire la maquette, demander un ISBN et déposer l’ouvrage à la BNF, l’imprimer et le commercialiser auprès de plateformes et de libraires, entre autres.
Le problème : les livres scientifiques ne se vendent guère. D’où la recherche de subventions et d’avances importantes, et une rémunération infime des auteurs. Sur la base de mon expérience et de discussions avec d’autres auteurs, les éditeurs reversent aux auteurs 6% du prix de l’ouvrage scientifique environ, divisé par le nombre des co-auteurs.
Sur mes deux derniers livres publiés en 2019 et 2023, j’ai dû toucher sur la période moins de 500 €. Il faut dire que je n’ai pas vendu 1000 ouvrages non plus, même si j’estime que ces derniers sont intéressants, et le fruit d’un dur labeur. C’est juste qu’un livre scientifique se vend moins car il ne vise qu’un marché de niche.
Mais ce n’est pas grave si mes livres ne se vendent pas, je n’en prends pas ombrage. En revanche, ce qui m’agace, c’est que les livres non vendus pour lesquels mes co-auteurs et moi-même avons cherché des financements termineront vraisemblablement au pilon. En d’autres termes, les éditeurs les feront détruire.
Vous avez bien lu : on paye pour imprimer des livres, puis pour les détruire s’ils ne se vendent pas. C’est vraiment un gâchis de ressources matérielles et d’argent qui me fait horreur. Pourtant le marché des livres numériques existe et l’impression à la demande aussi. En gros : vous achetez un livre sur le site de la Fnac ou chez Amazon, et celui-ci est imprimé seulement suite à cet achat. Donc on évite d’imprimer inutilement des bouquins qui ne seront pas vendus et les investissements inutiles.
Mais bon, apparemment pour vendre, il faut voir des livres physiquement en rayon. Le pilon a donc de beaux jours devant lui.
C’est pour toutes ces raisons que j’ai décidé d’auto-éditer mon guide : pour diminuer les coûts de production, pour augmenter ma rémunération, et pour éviter de détruire inutilement des livres en optant pour l’impression à la demande.
Aussi qu’ai-je appris de cette aventure, qui est toujours en cours d’ailleurs ?
En premier lieu, j’ai décidé de me faire aider un peu, notamment par Librinova, car on ne s’improvise pas éditeur sur un coup de tête. J’ai donc investi un peu moins de 350€ pour ne pas tout faire toute seule.
Librinova m’a surtout accompagné durant tout le processus de publication, à savoir le maquettage de la version numérique et papier du guide, l’obtention de l’ISBN (le fameux International Standard Book Number, ou son numéro d’identité unique à l’échelle internationale), et sa commercialisation et diffusion sur certaines plateformes numériques et dans les librairies.
Je dois dire que pour l’instant, je n’ai pas été déçue par les personnes sympathiques et réactives avec lesquelles j’ai échangé, mais celles-ci ne font pas tout. J’ai par exemple créé la première page de couverture avec l’aide de mon copain, mobilisé quatre amis pour relire l’intégralité du guide (même si j’ai encore des sueurs froides à l’idée qu’il reste quelques coquilles), et je dois encore assurer son dépôt à la BNF. J’ai dû réfléchir à mes prix de vente, choisir le format et le type de papier du livre. Il va falloir également que j’assure toute seule ma stratégie de communication pour vendre un maximum d’exemplaires.
Je reste encore un peu frustrée par la maquette papier du livre, notamment sur sa mise en page (arrghh sur la numérotation des notes de bas de page), car je n’ai pas pris l’option « maquette complexe ». Le maquettage se fait de manière semi-automatique pour réduire les coûts, donc je dois mettre de côté mon âme de designer pour pouvoir assurer la rentabilité de ce projet éditorial.
Bref, c’est quand même du travail d’éditer soi-même son livre !
Mais j’ai beaucoup appris de ce processus : sur les phases et temps de production, sur les aller-retours éditoriaux, ou sur la détermination des prix encadrés par la loi Lang. Étrange de se dire que le prix de mon ebook doit automatiquement se terminer par ,49€ ou ,99€ !
En auto-éditant mon livre, combien puis-je espérer gagner ?
Le prix de vente de mon ebook sera de 4,49€ TTC, pour éviter le seuil psychologique fatidique d’achat d’un livre numérique de 5€. Si je vends cet ebook sur la plateforme de Librinova je toucherai environ 2,8€ par vente, et sur d’autres plateformes telles qu’Amazon, environ 2€.
Quant à ma maquette papier, ça va dépendre du prix de vente que je n’ai toujours pas déterminé, mais environ 1,5€ ou 2€ par livre (soit 8-10% du prix de vente HT).
DONC je dois vendre au moins 125 ebooks ou 230 livres papier pour être rentable et commencer à faire un profit.
Challenge accepted !
Alors après, je sais que cela fera tiquer certains. Une directrice de recherche CNRS que j’estime beaucoup m’a dit que l’autoédition a (encore) mauvaise presse dans le monde scientifique.
Je me demande bien pourquoi honnêtement. Mes deux précédents éditeurs n’étaient pas experts des sujets des ouvrages, et il n’y a pas eu de revue par les pairs. Ce qui importait en premier lieu, c’était le financement des ouvrages, et leur capacité à se vendre auprès d’un public intéressé qui ont déterminé leur publication.
Bref, le sujet de l’autoédition peut sans doute produire des pistes sur la publication scientifique à moindre coût, et pour des travaux qui auront du mal à intéresser une masse critique de lecteurs suffisante pour mobiliser des éditeurs traditionnels.
Une discussion à poursuivre donc !