Lorsque je rencontre quelque (très rares encore) chercheurs dans mon domaine qui souhaitent se diriger vers l’entreprise suite à leur doctorat, je suis souvent frappée par leur manque de connaissances au sujet du type d’entreprise qu’ils souhaitent intégrer. Pour beaucoup d’entre nous chercheurs, l’ « entreprise » (et le secteur privé en général),  reste cette sphère homogène, relativement sans nuance, et le chercheur y travaille de manière également homogène, et sans nuance. Pourtant, rien n’est plus faux que cette assertion. Comme nous l’avons vu dans un précédent article, plusieurs types d’entreprises correspondent à plusieurs types de chercheurs, et c’est ce sur quoi je vais m’attarder ici. 

Je m’attarderai sur plusieurs catégories d’entreprises, notamment en terme de taille et d’intérêt pour la R&D afin de définir :

–  pour le chercheur : dans quel type d’entreprise vous êtes susceptible de mieux vous épanouir ;

– pour l’entreprise : quel profil de chercheur correspond le plus à vos attentes et à vos ambitions de développement.

Pour ceux qui me lisent et qui souhaitent directement aller à la conclusion par manque de temps, jetez un coup d’œil au tableau récapitulatif en fin d’article. Pour ceux qui ont un peu plus de temps et ont le souci de connaître les détails, bonne lecture !

Auto-entrepreneuriat

Je commencerai par une catégorie un peu à part, celle de auto-entrepreneur. Car ici, le chercheur, c’est l’entreprise.

Alors, ami chercheur, pourquoi devenir auto-entrepreneur ?

Tout d’abord, parce que vous pourrez vous concentrer sur de la recherche et des missions ciblées en fonction de vos compétences spécifiques. L’auto-entrepreneuriat vous permet également une grande liberté d’action et d’avoir un emploi du temps relativement flexible. C’est pourquoi ce statut est privilégié par ceux qui enseignent par ailleurs, et souhaitent continuer des recherches personnelles. En outre, l’auto-entrepreneuriat est associé au statut de chercheur freelance, qui est potentiellement très rémunérateur (comme j’en ai précédemment parlé ici). Cependant cette activité demeure souvent ponctuelle, car si l’on se met à travailler non stop pour le même client, l’auto-entrepreneur devient rapidement un salarié déguisé, ce qui n’est pas top top niveaux avantages sociaux.

Le gros désavantage à mon sens de l’auto-entrepreneuriat demeure avant tout la précarité du statut qui ne prend pas en compte de nombreuses charges sociales qui existent avant tout pour protéger les salariés. Aussi vous pouvez oublier retraite, chômage etc… à moins que vous ne soyez prêt à payer vous même plus de charges, mais dans la pratique peu de personnes le font. Il faut considérer également toute la partie administrative pour laquelle nous ne sommes en général pas formés. Par ailleurs, je conseillerais de donner 4 jours d’expertise par mois maximum, histoire que si vous avez le statut de fonctionnaire, vous ne vous fassiez pas trop taper sur les doigts en cas de contrôle. Car oui, arrêtons d’être hypocrite, je connais plusieurs enseignants chercheurs fonctionnaires qui sont actuellement auto-entrepreneurs et qui ne suivent pas tout à fait les règles que nous rappelleront dans un prochain post.

Les TPE (et le cas de la startup)

Les Très Petites Entreprises (TPE) est le prochain cas qui nous intéresse. Ces dernières font en général moins de 2 millions de chiffre d’affaire annuel, et sont constituées de moins de 10 personnes. Aussi, il est évident que pour qu’une TPE s’intéresse à la recherche, elle doit inclure cette dernière dans son cœur de métier.

C’est pourquoi je me concentrerai principalement sur le cas des startup, qui font plus souvent appels aux chercheurs, et de manière générale à la R&D, pour développer des produits et services innovants. Alors oui, la startup nation de Macron pour rentrer dans l’ère de « l’innovation » est quelque peu indigeste (beurp), mais qu’en est-il vraiment du point de vue de la recherche ? Tout d’abord, une startup est une jeune entreprise à fort potentiel de croissance et ce pendant les 5 premières années d’exercices. C’est ce qui la distingue d’une TPE, puis de la PME lambda. Les startups ont en outre souvent une très courte existence, puisqu’on estime qu’environ 90% d’entre elles sont amenées à mettre la clé sous la porte dans les 5 ans qui suivent la création de la société.

Mais pour nous chercheurs, les startup peuvent présenter des opportunités. Notre liberté  d’action  est généralement plus importante, même si cela dépend du degré de maturité de la startup. Si on arrive au début de l’aventure, tout est à imaginer et à faire. De nos actions dépendent le future de la jeune société, encore très instable, et souvent peu ou pas financée. Mais si on aime l’excitation des débuts, l’intérêt de transformer des recherches en produits ou services concrets pour avoir un réel impact sociétal, et les montagnes russes, la startup est faite pour vous ! Pour les plus frileux, une startup plus mure qui transitionne vers le statut de PME (et qui a passé le cap des 2 ans d’existence), sera plus stable et plus à même de rassurer le chercheur. La startup requiert cependant de ce dernier qu’il soit relativement indépendant dans ses prises de décisions, adaptable et prône au multi-tasking, car la recherche seule ne fait pas (sur)vivre une startup.

En ce qui concerne la rémunération : c’est quitte ou double. Le début avant une éventuelle levé de fond est souvent difficile, et les entrepreneurs rémunèrent donc souvent les premiers associés sous la forme d’actions ou de BSPCE. On bosse gratuitement ou avec peu de salaire. Cependant, si la startup décolle, c’est le jackpot quelques années plus tard quand la société a pris de la valeur (pas avant 3 à 5 ans cela dit). En revanche, si vous arrivez un peu plus tard dans l’aventure, en fonction de la levée de fond, vous pourrez avoir un salaire un peu plus conséquent, mais beaucoup moins d’actions. Le statut est donc souvent un peu moins précaire en startup si vous intégrez la société après une levée de fond. En revanche, pour ceux intéressés par l’enseignement, la startup, très prenante, vous laissera peu de temps pour donner des vacations à la fac.

Crédit : Ian Schneider

PME et ETI

Les Petites et Moyennes Entreprises, ainsi que les Entreprises de Tailles Intermédiaires  (que je regroupe ici car leur vision de la R&D demeure relativement similaire) peuvent s’avérer un bon match pour les chercheurs un peu débrouillard et qui acceptent de ne pas se dédier intégralement à la recherche, tout en recherchant une certaine stabilité et rémunération. Même si là encore, plusieurs cas de figure existent, tout dépend de si la société qui vous emploie est versée dans la R&D ou non. Si c’est le cas, jackpot ! Une vraie culture de la recherche vous attend. Sinon, vous serez vraisemblablement embauché pour vos compétences d’architecte, de sociologue, de gestionnaire immobilier spécialiste d’un sujet. A moins que l’entreprise ne souhaite développer un département R&D, comme ça a été le cas pour certains chercheurs de ma connaissance. Rien ne me ravie plus qu’une agence d’urbanisme ou d’architecture qui se met à faire de la recherche. Le chercheur se retrouve alors plus dans le cas relatif à la startup. Tout est à développer, et c’est excitant, mais un peu plus stressant.

L’avantage des PME, et surtout des ETI, c’est qu’elles sont généralement un peu plus solides et plus stables (mais pas toujours cela dit, aucune entreprise n’est à l’abris d’un revers de fortune…). Aussi, la rémunération et le type de contrat signé reflètent cette stabilité. Vous pouvez plus facilement négocier un salaire intéressant, et le poste permet parfois plus de flexibilité en terme de tâches à accomplir à comparer d’un chercheur salarié d’une grande entreprise. Ceci étant dit, la combinaison d’un emploi salarié avec  des vacations d’enseignement est encore difficile, surtout dans le cas où vous seriez amené à développer une culture de la recherche au sein de l’entreprise. Mais elle peut être possible en fonction de la négociation que vous aurez établie avec votre employeur.

Grandes entreprises (GE)

Etre chercheur dans un grand groupe a, comme pour les catégories précédentes, des avantages et des inconvénients.  

En général, le chercheur embauché en GE l’est principalement pour ses compétences en R&D. On oublie un peu le coté multitâche, pour se concentrer en général sur des sujets précis. Le chercheur n’est pas l’homme ou la femme à tout faire au contraire. Le fait d’avoir de nombreux collègues permet une division des tâches. Le point positif est donc une plus grande spécialisation, mais il s’accompagne d’une flexibilité moindre lorsqu’il s’agit de développer de nouveaux projets. La GE est moins agile qu’une startup, et la force d’inertie de cette dernière peu en frustrer plus d’un. Et la spécialisation ne vous mets pas à l’abri non plus de certaines tâches annexes (administratives notamment) de temps à autre.

Mais le très grand avantage des GE reste à mon sens le financement de vos recherches (joie !). Les GE disposent en effet d’une plus grande force de frappe pour toucher du CIR, demander des financements à l’Union Européenne etc… en raison de leur historique de recherche plus importants et des moyens qu’elles ont déjà engagés dans de précédents projets. Ces financements plus importants permettent une rémunération réellement plus intéressante, et une certaine latitude lorsqu’il s’agit des négociations salariales (mais pas toujours). Ces négociations sont possibles pour la rémunération mais pas seulement. Pour les chercheurs qui souhaitent également enseigner, les GE sont en général plus flexibles passé une certaine expérience pour obtenir un 80%.

En résumé 

Comme nous l’avons vu, il existe une certaine diversité d’entreprises lorsqu’il s’agit d’intérêt pour la R&D et l’innovation en général. Aussi, tous les chercheurs ne sont pas adaptés à n’importe quel type d’entreprise. Aussi, bien cibler l’entreprise dans laquelle on sera amené à travailler, ou le chercheur avec qui l’on souhaite collaborer, évitera les déconvenues pour les 2 parties.

Aussi voici un petit tableau récapitulatif qui aidera j’espère plusieurs d’entre vous.

Type d’entreprise Type de chercheur
Auto-entreprise L’ (enseignant) chercheur expert qui vend ses compétences ponctuellement en complément de revenu
TPE – Start-up Le chercheur aventurier qui souhaite de l’indépendance et de la flexibilité dans ses recherches
PME – ETI Le chercheur diversifié et multitâches qui recherche une certaine stabilité de l’emploi
GE Le chercheur spécialisé et stable, qui peut négocier pour enseigner ponctuellement

Bien sur ces catégories ne sont pas aussi «  figées », et il existe des exceptions à la règle. Mais elles vous permettront sans doute de faire pencher votre cœur vers l’option qui vous semblera la plus appropriée.


Vous êtes chercheur, vous souhaitez développer votre activité d’indépendant et vous avez plein de questions ? N’hésitez pas à participer aux apéro-coaching.

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