Une question qui nous a longuement turlupiné avec mon ancienne associée April est comment nous démarquer, nous chercheurs, de la foule de consultants bien implantés sur notre marché lorsque l’on souhaite travailler avec des entreprises.

Le sujet est sans doute un peu moins « bling bling » que ceux de mes post précédent, et la question peut paraître simple. Mais elle ne l’est pas, loin de là, surtout lorsque l’on est chercheur en sciences humaines et sociales. Elle est de plus utile pour savoir comment nous positionner sur le marché du conseil lorsque l’on discute avec un chef d’entreprise.

Je m’explique.

La plupart d’entre nous s’imaginent très bien un chercheur en sciences dures à son travail au sein d’une entreprise. En tant qu’expert de son domaine, attelé à ses expériences de paillasse ou devant son ordinateur, il réalise un produit fini innovant susceptible de servir à cette même entreprise. Il existe une certaine matérialité à son travail que l’on peut facilement financiariser et qui est aisément identifiable.  

L’objectif d’un chercheur en sciences humaines et sociales est plus souvent (mais pas seulement) d’analyser une situation sociale, spatiale, politique, historique etc… donnée. Lorsque l’on se concentre sur la ville comme c’est mon cas, il est difficile (voir impossible) de mettre en place des expérimentations à large échelle qui prennent du temps, et accessoirement beaucoup d’argent. Car l’humain, c’est compliqué. Il est également ardu de contrôler une multitude de paramètres et de situations qui ne peuvent être recréés en laboratoire comme c’est le cas pour les sciences dures. C’est pourquoi, au mieux, le résultat des recherches en SHS+ aboutissent à des recommandations à destination des secteurs publics et privés suite à l’analyse d’un sujet qui nous intéresse.

Le consultant quant à lui, n’est pas forcément un chercheur. La plupart des consultants que je connais sortent d’écoles de commerce ou d’ingénieur, et n’ont que peu de formation à la recherche. Cependant, la plupart d’entre eux sont obligés de faire appel à des méthodes de recherche, que je qualifierais (mais ce n’est que mon avis) de superficielles et extrêmement rapides. L’objectif d’un consultant est alors de comprendre une situation donnée dans son ensemble, et d’aider leurs clients à changer certaines pratiques rapidement. La spécialité d’un consultant est donc la gestion de certains processus de changement, dans un temps court, et de faire en conséquence des recommandations pragmatiques et économiques à l’usage de leurs clients

Et de là provient la confusion. Car les recommandations sont l’apanage des consultants. C’est pourquoi, dans l’esprit de nombreux chefs d’entreprise :

un chercheur en SHS+ qui facture pour une prestation de conseil

=

un consultant

Crédit: Headway

Et croyez moi, c’est plutôt frustrant.

En faisant des recherches pour cet article (car oui, je fais quelques recherches pour chacun des articles que j’écris), je suis tombée sur cet excellent article de scolaconsult qui établi la différence entre un consultant et un expert. En ce qui nous concerne, je nous associerais, nous chercheurs en SHS+, à la catégorie des experts.

Pourquoi ?

Car là où les consultants sont plutôt généralistes, réalisent leur mission dans un temps très court, et ont un objectif essentiellement commercial à court terme, nous chercheurs nous positionnons de manière diamétralement opposé.

Le chercheur est avant tout un spécialiste, qui réalise ses recherches au travers d’une démarche scientifique dans le temps long. Son objectif premier est de publier et de contribuer à l’état de l’art sur une question, et nous chercheurs nous attardons beaucoup, beaucoup moins sur les questions économiques et financières.

Or les entreprises qui font appel aux consultants souhaitent avant tout obtenir une solution rapide à un problème qui freine leur activité commerciale et leur profit. C’est pourquoi là où le consultant rassure, le chercheur au contraire, fait peur.

Par conséquent, j’aime plutôt le terme d’expert, ou à la limite de chercheur-expert, qui effraie moins nos amis et futurs collaborateurs en entreprise. Notre avantage, par rapport aux consultants, c’est que nous avons des années de recherche et de spécialisation derrière nous, et un savoir et une expertise que nous pouvons réinvestir bien plus rapidement qu’un consultant. La contrainte du temps peut donc facilement être contourné et s’avérer une force si nous sommes amenés à faire du conseil sur le sujet dont nous sommes les spécialistes.

un chercheur en SHS+ qui facture pour une prestation de conseil

=

un expert

Cependant, l’expertise seule n’est pas suffisante, et une formation à la valorisation économique et financière de nos travaux est essentielle pour pouvoir nous aligner sur nos collègues consultants, pour pouvoir effectuer des recommandations pertinentes au sein d’entreprises, et pour rassurer nos futurs collaborateurs du secteur privé.

Je reconnais que cela est plus facile ou difficile à faire en fonction des disciplines d’expertise. Un philosophe peut-il contribuer à faire économiser ou gagner de l’argent à une entreprise, où à une collectivité par exemple ? Cela peut paraître difficile, voir impossible, mais non, puisque certains s’y sont essayés comme le démontre cet article.

Aussi, positionnons-nous en tant qu’expert, formons-nous à la valorisation économique de nos travaux, et démarquons nous de tous ces professionnels issus des écoles de commerces qui deviennent consultants.  

Car à l’heure où le nombre de postes dans la fonction publique se réduit comme peau de chagrin, la formation à la professionnalisation du métier de chercheur et à la compréhension de la valeur de nos travaux en dehors du monde académique dès le doctorat me paraît alors essentielle.


Vous êtes chercheur, vous souhaitez développer votre activité d’indépendant et vous avez plein de questions ? N’hésitez pas à participer aux apéro-coaching.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s