Chers lecteurs et chères lectrices,
Les semaines se suivent et je continue de recevoir des mails de MCF qui me demandent en toute discrétion des conseils pour pouvoir développer une double (vie) activité professionnelle, loin du regard de leurs collègues. Non pas que je ne suis pas contente de les recevoir en coaching, mais la tâche devient répétitive, et je me dis qu’un post sur le sujet m’évitera sans doute de devenir sénile avant l’heure.
Que les MCF avec qui j’ai échangé se rassurent : je ne citerai aucun nom ici, mais je pense qu’il est important de mettre en lumière ce phénomène encore tabou. Quand devenir MCF est un parcours du combattant, et que l’obtention d’un poste est un luxe auquel beaucoup d’entre nous n’aurons jamais le droit, alors difficile de crier sous toutes les fenêtres que l’on souhaite démissionner….
Mais je dois dire que mon esprit revanchard est assez satisfait. Il y a 5 ans, j’allais à la rencontre de ces MCF pour avoir des conseils pour obtenir un poste dans la fonction publique. Aujourd’hui certains de ces MCF viennent me voir pour que je les aide à en partir. La boucle est bouclée.
Je vois plusieurs raisons à ce phénomène, ou du moins ce sont les raisons les plus souvent invoquées en coaching.
La plupart des MCF que je rencontre sont désillusionnés face à leur métier : une surcharge de travail administratif pour compenser la perte des agents, une absence de temps pour faire de la recherche, des ambiances de labo délétères (panier de crabe bonjour) sont des raisons très fréquemment citées. Or comment produire de la recherche quand on passe son temps à coordonner une licence ou un master, recruter des vacataires précaires, et répondre à 100 mails par jour ?
L’aspect financier, s’il était peu énoncé il y a quelques années, revient sur le devant de la scène. Les MCF font face comme tout le monde à l’inflation, à la réforme des retraites and so on. Il faut dire aussi qu’être MCF à Clermont Ferrand n’est pas la même chose qu’à Paris, et que le loyer d’un appartement clermontois n’a rien à voir avec celui des parisiens. Parfois, un salaire de MCF ne suffit tout simplement pas à vivre correctement en fonction du contexte considéré. A moins d’augmenter la durée passée dans les transports. Mais être turbo prof, ça ne marche qu’un temps…
Je n’ai pas de statistiques fiables du MESRI, mais cela ne m’étonnerait pas de constater une augmentation du nombre de demandes d’autorisation de cumul. En tout cas c’est ce que les stats de mon site semblent suggérer. Mon premier article sur les rappels juridiques sur le cumul d’activité (qui est d’ailleurs complétement obsolète) est à ce jour le plus lu de mon blog. Si avant la crise du COVID le sujet intéressait peu (59 lecteurs en 2019), ce n’est plus le cas aujourd’hui : 1454 lecteurs en 2022, avec une projection supérieure à 2000 pour 2023.

Surtout que la réglementation semble encore avoir changé. Depuis 2019, je reviens régulièrement sur le site du service publique sur la question. Je n’avais pas fait d’impression d’écran à l’époque, mais j’ai constaté 3 textes différents au cours des années : lorsque j’ai écrit mon premier article en 2019, puis une mise à jour en 2021 suite à la LPPR, et aujourd’hui, après une modification du site du service public en décembre 2022.
Aussi comment en vouloir à tous ces MCF qui souhaitent faire de l’autorisation de cumul et se sentent perdus face à une machine administrative floue et déshumanisante ?
Certains d’entre vous à ce stade de la lecture me diront : oui, certes, mais demander une autorisation de cumul, ce n’est pas vraiment démissionner.
C’est vrai, mais vu les échanges que j’ai eu par mail et en coaching, c’est souvent le début du feu de forêt.
Combien de fois ai-je entendu, ou lu :
« Je ne souhaite pas que mes collègues-crabes et les RH de l’université-panier soient au courant de ma démarche. Peut-on créer une entreprise sans avoir à en demander l’autorisation à l’institution ? »
Ou :
« J’ai peur que ma démarche de création d’entreprise-sauve-qui-peut soit un frein pour d’éventuelles promotions au sein de mon université-panier au cas où j’échoue. »
La peur du jugement des autres (ces fameux collègues-crabes-anti-capitalistes) s’accompagne également de la peur de faire un saut dans le monde inconnu de l’entrepreneuriat, voire même du salariat dans d’autres organisations que la fac. Car le MCF a peur de quitter son panier de crabes pour atterrir dans un panier de homards. Et surtout, on ne lui en donne pas les moyens. Difficile quand on a un crédit immobilier sur le dos et des enfants à charge.
Du coup, j’encourage souvent en coaching de réfléchir à une stratégie de phasage : on commence par une autorisation de cumul, puis on demande un 80%, et quand on se sent en confiance, on envisage sereinement de partir, à la grande surprise des collègues qui n’ont pas vu le coup venir.
Car souvent cette transition se passe dans le secret. Ce qui est à mon sens bien dommage. Car le développement d’activités de conseil, d’expertise, de R&D ou même de formation pro contribue à transmettre les savoirs à la sphère opérationnelle et à la société civile. Développer une telle activité devrait être un facteur de progression professionnelle, et non l’inverse. Elle devrait être célébrée, et non être cantonné à l’abris des regards.
Je le répète encore et toujours : il n’y a rien de mal à vouloir explorer d’autres pistes, surtout si elles sont une source d’épanouissement personnel et professionnel. Pourquoi donc ne pas envisager sa carrière à la carte ?
Alors à ceux qui m’écrivent et me voient en coaching : soyez fiers de ce que vous faites et ne vous cachez plus. Car plus vous serez nombreux à sortir de la forêt, plus il deviendra acceptable de le faire.
Vous êtes chercheur, vous souhaitez développer votre activité d’indépendant et vous avez plein de questions ? N’hésitez pas à me contacter pour des séances de coaching.