Chers lecteurs et chères lectrices,

Pardon pour mon silence du mois dernier. Une surcharge de travail due à mon nouveau contrat lausannois m’a empêché de prendre le temps de rédiger ces lignes. Après tout, on ne peut pas tout faire en s’astreignant à un « régime » de 40 heures de travail du lundi au vendredi (car oui, je ne travaille pas les weekends).

En parlant de Lausanne, j’écris ces mots dans un train en direction de la Suisse. Il m’aura fallu 2 voyages pour rédiger cet article qui m’a demandé un peu plus de recherches en amont que d’habitude, malgré un wifi capricieux.

On s’occupe comme on peut durant les voyages en train, non ?

J’ai décidé d’écrire cet article car un de mes amis chercheur m’a indiqué que certes, la recherche indépendante, c’est bien, mais que ce n’est sans doute pas pour toutes les disciplines. Vous êtes chercheur en big data ou en intelligence artificielle ? Il y a de fortes chances que vous soyez aussi bien payé que Dwayne « The Rock » Johnson à Hollywood (ou pas)…. Mais existe-t-il des chercheurs en philosophie, en histoire ou en lettres indépendants ? Et si oui, que font-ils exactement ? Quel est leur statut ? Comment se définissent-ils ?

C’est pour répondre à ces questions que je me suis lancée dans cet article. Avec une jeune mère et un bébé à côté de moi dans le train.

Faire des gommettes n’a jamais été aussi attractif….

Bref, j’ai décidé de me concentrer sur des exemples concrets, histoire de voir comment d’autres docteurs avaient décidé de valoriser leurs compétences en tant que consultants, experts, ou chercheurs indépendants. Je ne les connais pas personnellement (à quelques exceptions près) mais ils peuvent sans doute être des sources d’inspiration pour d’autres.

Les voici donc dans un énorme tableau, dont je fais le bilan juste après. Toutes les personnes mentionnées dans ce tableau ont un doctorat.

DisciplineExemples
DroitAmélie Da Fonseca : chercheuse indépendante et rédactrice web juridique Gaëlle Saulé Mercier : chercheuse indépendante en histoire criminelle
Sciences politiquesPhilippe Copinschi : chercheur et consultant indépendant spécialiste des questions d’énergie et de géopolitique en Afrique
Philippe Estèbe :  docteur en sciences politique, enseignant chercheur mais également consultant sur les questions de territoire (un peu d’interdisciplinarité avec la géographie !)
Économie et Sciences de gestionDominique Perrut : économiste indépendant spécialiste des questions européennes
Philippe Herlin : économiste indépendant spécialiste des cryptomonnaies
Jean Frisou : chercheur indépendant en sciences commerciales
Alexandre Coulondre : docteur en économie et chercheur indépendant spécialiste des marchés et données immobilières
Sciences du langage et littératureSlaven Waelti : chercheur indépendant en littérature française et philosophie
Guillaume Leduey : chercheur indépendant en linguistique spécialiste de l’eyak (une langue de l’Alaska)
David Roberts : chercheur indépendant et conseiller linguistique, alphabétisation et éducation au Togo
Albin Wagener : enseignant chercheur qui a aussi une activité de consultant indépendant en tant qu’analyste de discours et de communication dans le champ des humanités numériques
Psychologie et sciences cognitivesXavier Brisbois : chercheur indépendant en sciences cognitives et psychologie appliqué au domaine des transport
Johanna le Conte : chercheuse indépendante en psychologie sociale (en plus d’une autre activité salariée
Dimitri Naczaj : consultant indépendant en sciences du comportement
PhilosophieLaura Lange : philosophe indépendante, conférencière et chroniqueuse
Adélaïde De Lastic : philosophe indépendante spécialiste RSE et éthique des organisation
ArtBenjamin Riado : chercheur indépendant en théorie de l’art contemporain
Sociologie AnthropologieMarjorie Meunier : chercheuse en sociologie et anthropologie indépendante qui a ensuite fondé Alterna R&D
Émilie Coutant : sociologue indépendante et experte-consultante média, consommations, usages
Claire Juillard : sociologue indépendante spécialisée sur le logement et l’immobilier
HistoireSabine Pasdelou : historienne de l’art et fondatrice d’Au Bonheur des Arts, plateforme d’e-learning spécialisé en histoire de l’art et du luxe
Manon Champier : (aka Manon Bril) docteure en histoire contemporaine et vidéaste
Géographie – AménagementMartin Vanier : enseignant chercheur, mais également consultant indépendant spécialiste de la géographie des territoires
Claire Doussard : mais j’espère que vous le saviez déjà ! 😉
Sciences de l’éducationBruno Devauchelle : formateur et consultant indépendant spécialisé en ingénierie éducative
Sciences de l’information et communicationMathieu Jahnich : consultant indépendant en communication et transition écologique
Amel Allik : consultante indépendante en communication spécialisée dans les champs du développement durable, de l’interculturel et du tourisme
MathématiquesEmmanuel Grenier : mathématicien expert spécialiste des applications industrielles des mathématiques en mécanique, optique, pharmacologie…
InformatiqueThibault Deprez : docteur en informatique et formateur indépendant en robotique
Physique et astronomieMathieu Bouville : consultant en simulations numériques en sciences des matériaux et physique appliquée (même s’il s’est diversifié en finance et énergie)
Quentin André : astrophysicien consultant et conférencier climat
Sébastien Carassou : docteur en astrophysique et vulgarisateur scientifique indépendant
ChimieLaurent Rivier : docteur et consultant indépendant en toxicologie médico-légal dans le domaine du sport
Vivien Badaut : docteur en chimie nucléaire et consultant indépendant en financement de la R&D dans le domaine de l’industrie
Sciences de la terreYohann Poprawski : docteur en géologie, chercheur et formateur indépendant
Rosalie Constable : geoscientifique indépendante, spécialisée dans le champ de l’énergie
BiologiePhilippe Gentine : docteur en sciences de la vie et en pharmacologie, consultant indépendant en pharmaceutique et biotechnologie
Raphaël Jun : docteur en biologie et écologue indépendant

Que peut-on tirer de ce tableau un peu indigeste ?

En premier lieu, qu’il existe des chercheurs indépendants quelle que soit la discipline. Peut-on alors établir un retour sur investissement d’un travail de recherche en sociologie, en histoire de l’architecture ou encore en philosophie ? En ce qui me concerne, je pense que oui. Comme le démontre les chercheurs indépendants de ce tableau, avec un peu d’imagination, on peut toujours trouver un moyen de trouver comment valoriser :

  • Soit directement ses travaux de recherche ;
  • Soit ses compétences que l’on réutilise en dehors de son champ de recherche de prédilection.

Après, leur activité est-elle rentable? J’avoue ne pas m’être penché sur la question, et je n’ai pas osé contacter tous les chercheurs de cette liste.

La deuxième chose, c’est qu’il n’y a pas un profil « type » de chercheur indépendant. Certains se définissent comme consultants, ou experts, ou encore comme chercheurs indépendants. Et s’ils ne font pas tous de la recherche per se, tous se basent néanmoins sur une expertise qu’ils ou elles ont acquis lors de leurs recherches doctorales et post-doctorales.  

Ensuite, il faut sans doute distinguer la place de ces consultations, expertises, recherches plus largement au sein de l’activité de ces chercheurs, et au regard du monde universitaire.

Certains ont uniquement une activité de consulting et d’expertise.

D’autres sont majoritairement consultants ou experts, mais réalisent également une activité de recherche en lien avec l’université, en collaborant par exemple avec des chercheurs titulaires de la fonction publique en répondant à des appels d’offre. Ils peuvent également réaliser des vacations à l’université ponctuellement pour ne pas totalement se couper de l’enseignement.   

Enfin, d’autres sont enseignant-chercheurs titulaires de la fonction publique, mais exercent une activité de consultant ou d’expert indépendant complémentaire.

Ces différentes approches questionnent la conceptualisation même de ce qu’est un « chercheur indépendant ».

Peut-on dire que l’on est chercheur indépendant si l’on a une activité de consulting et d’expertise ? J’aurais tendance à dire oui, car pour moi ce qui prime, c’est la manière dont je me définis du fait de ma formation à la recherche lors du doctorat. Je suis chercheuse, et il se trouve que mes compétences ou travaux de recherche sont remobilisées dans une activité de conseil ou d’expertise. Par ailleurs, il me semble que pour être expert, continuer à faire un minimum de recherches semble nécessaire pour « rester dans le game » et pouvoir être compétitif sur un marché .

Peut-on également qualifier d’ « indépendant » un maître de conférence ou un professeur d’université qui exerce une activité d’expertise complémentaire ? Je dirais oui là encore, car cela démontre bien la capacité d’un titulaire à ne pas uniquement dépendre de son employeur (l’État) en termes de rémunération. Surtout qu’une activité de conseil peut s’avérer plus rémunératrice qu’un salaire de la fonction publique.

Le chercheur indépendant a donc de multiples visages. Mais c’est sans doute ce qui fait la richesse de leurs activités, et des manières dont ils se positionnent au sein de la société, à l’interface du monde universitaire et de l’entreprise.


Vous êtes chercheur, vous souhaitez développer votre activité d’indépendant et vous avez plein de questions ? N’hésitez pas à me contacter pour des séances de coaching.