Il y a un peu plus de deux mois, une amie chercheuse et architecte que nous appellerons Violet, m’appelle un peu paniquée, pour me poser une question indéniablement chiante, mais incontestablement cruciale.
Claire, désolée de te déranger avec ça, mais comment tu factures la TVA quand tu fais une mission de recherche ? En général je facture la TVA quand je fais des missions d’archi, et comme ça, ça paye mes charges à l’URSSAF. Mais je ne sais pas si c’est le même taux en recherche.
ARRRRRRRGGGGGHHHHHHHHHHHHHHHHHH !!!!
Let’s unpack comme disent les américains.
Problème n°1 : elle est autoentrepreneur. Elle n’aurait même pas du facturer ses missions d’architecture avec la TVA, surtout qu’après investigation, elle fait moins de 30 000€ de chiffre d’affaires annuel.
Problème n°2 : lorsqu’on facture la TVA, il faut le déclarer aux impôts, ce que mon amie n’a pas fait puisque…..
Problème n°3 :…. elle considère que sa TVA est récupérée au travers du paiement de ses charges sociales auprès de l’URSSAF. Ce qui n’est absolument pas la même chose.
Après 10 bonnes minutes d’explications administratives au téléphone, mon amie découvre qu’en fait, si elle avait bien fait les choses, elle serait bien moins rémunérée en net que ce qu’elle pensait.
Ce à quoi je lui réponds :
Ben ouais, c’est pour cela qu’il faut parfois facturer un peu plus pour s’y retrouver dans sa structure de coût.
NB : elle ne s’appelle pas Violet en fait, mais vu sa malchance habituelle, j’ai décidé de l’appeler ainsi en l’honneur de Violet Jessup qui a survécu au cours de sa courte vie à trois naufrages : celui de l’Olympic, du Titanic et du Britannic.
Comme quoi, on peut aussi survivre aux galères et aux naufrages administratifs.
Bref, cette petite histoire introduit une série d’articles qui va traiter de la gestion administrative de l’EC indépendant. Car cela revient souvent sur le tapis, et comme je le disais, l’administratif c’est :
Indéniablement chiant, mais incontestablement crucial
Dans ce post, nous allons plus particulièrement parler devis, facturation, TVA et URSSAF dans le cadre d’une autoentreprise ou d’une SASU. Pour comprendre la différence entre ces deux statuts juridiques, je vous conseille d’aller relire l’article sur le sujet ici.
C’est parti !
Les devis et les factures
En ce qui me concerne, j’ai deux approches pour indiquer les montants de mes prestations sur mes devis.
1) j’établis un montant total de prestation, en détaillant le coût par tâche. Exemple :
- tâche 1 : X € HT
- tâche 2 : Y € HT
- Total : X + Y = Z € HT (montant auquel on ajoute la TVA si on est en SASU)
Cette option est intéressante si vous souhaitez vous laisser un peu de marge niveau temps et que vous ne savez pas exactement combien de temps vous allez passer pour réaliser votre prestation (idéal quand on débute). Elle vous permet ainsi d’être plus flexible vis-à-vis de votre rémunération journalière et de votre client.
OU
2) j’indique le temps passé pour réaliser la prestation, en général selon un taux journalier (vous pouvez relire le post sur combien coûte un chercheur). Exemple :
- Durée de la prestation : X jours à Y € HT/jour
Soit un montant total de X * Y = Z € HT (montant auquel on ajoute la TVA si on est en SASU)
Cette option est la plus courante dans le monde du conseil, et considérée comme plus transparente. Elle implique cependant de bien connaître sa capacité de travail et du temps passé à réaliser un certain type de prestation.
A savoir, que sur chaque devis, vous devez à minima indiquer un certain nombre d’informations obligatoires que vous trouverez sur cette page du site de service public (attention de bien faire la distinction entre autoentreprise et société). Vous trouverez également plein d’exemples de devis en ligne.
Pour facturer, j’utilise également deux approches en fonction des situations.
1) Le temps de la prestation est court, et le montant total facturé est faible. Dans ce cas j’envoie ma facture à l’issue de la prestation. J’adopte cette approche lorsque je donne une journée de formation, ou 2-3 journées d’expertise.
OU
2) Le temps de la prestation est long, et le montant total facturé est important. Dans ce cas, je décompose le paiement en 3 temps, comme c’est souvent l’usage dans le monde du conseil.
- Un premier versement au démarrage de la prestation, équivalent à 10-20% du montant total de la prestation ;
- Un second versement au milieu de la prestation en fonction des tâches initialement établies avec le client ;
- Un dernier versement à l’issue de la prestation.
Après, il y en a certains qui pratique la stratégie du 1/3 du montant par tranche. A vous devoir en fonction de votre client.
Là encore, il faut bien penser mettre toutes les informations obligatoires sur votre facture. Vous trouverez toutes les informations sur cette page du service public, et en cherchant des exemples de facture sur le net.
Pour les autoentrepreneurs, n’oubliez pas d’écrire la mention particulière suivante « TVA non applicable, art. 293 B du CGI » au bas de votre facture.
Ce qui me permet sans transition de vous parler de….
La TVA
Ahhhhh la TVA ! Déjà quand j’étais en cours de création d’entreprise en école d’ingénieur j’avais un mal fou à comprendre comment ça fonctionnait. Il a vraiment fallu que je me force à poser 1000 questions à ma comptable lors du développement de ma première entreprise pour comprendre comment ça fonctionne.
Alors en gros, si vous êtes autoentrepreneur avec une activité de services, et que vous ne dépassez pas un chiffre d’affaires annuel de 34 400 €, vous n’avez pas à payer de TVA (et donc indiquer la petite mention TVA non applicable… comme indiqué ci-dessus). Il y a un seuil majoré de TVA de 36 500 €, en gros un seuil de tolérance à ne vraiment pas dépasser. Après, à vous de régler vos déboires avec les impôts.
Si vous dépassez ces seuils, et bien vous devez facturer vos prestations en ajoutant 20% de TVA. C’est le taux qui s’applique pour la plupart des entreprises de service. A ce stade, autant changer de statut juridique et passer d’une autoentreprise à une SASU, ou peut-être une EI si vous avez peur de sauter le pas trop rapidement.
Dès l’instant où vous facturez la TVA, vous devez le déclarer sur le site du service des impôts, ou au moins payer un comptable pour le faire. C’est cette dernière option que j’avais choisi lors du développement de ma première société pour éviter de me prendre la tête.
Vous l’aurez deviné, je déteste les tâches administratives, et notamment comptables.
L’intérêt de la TVA, c’est que vous pouvez la récupérer lorsque vous faites des achats, ou plus généralement des dépenses, pour votre entreprise. C’est pour cela que beaucoup d’entrepreneurs s’achètent des petits choses sympas qui leur sert dans leur vie perso au travers de leur entreprise, car ils peuvent déduire la TVA.
Je m’explique.
Si vous facturez 1000 € HT à un client, il faut ajouter 20% de TVA à ce montant :
- 1000 * 0,20 = 200 € de TVA.
- soit 1000 € HT + 200 € de TVA = 1200 € TTC
Le service des impôts va donc vous réclamer 200 € de TVA.
Si vous achetez un ordinateur 800 € TTC avec votre entreprise, il faut calculer la TVA qui lui est associée (normalement à 20%) :
- 800 – (800 / 1,20) = 133,33 € de TVA.
Le service des impôts va donc vous rembourser 133,33 € de TVA, ce qui fait que votre bel ordinateur va en fait vous coûter la modique somme de 800 – 133,33 = 666,7 €.
Sauf que dans les faits, le service des impôts va faire un petit bilan de toute la TVA associée à vos activités. Dans le cas qui nous intéresse ici, les impôts vont donc calculer de la manière suivante :
- 200 € de TVA facturée – 133,33 € de TVA déduite = 66,67 €
Les impôts vous réclameront donc 66,67 € de TVA, prenant ainsi en compte tous vos revenus (les 1000 € de prestation facturés) et toutes vos dépenses (l’achat de votre ordinateur de 800 €).
On ne dirait pas comme ça, mais cela m’a pris plusieurs semaines pour comprendre un truc que j’estime aujourd’hui plutôt simple. Et malgré tout, j’ai quand même toujours des angoisses et des doutes quand il s’agit de parler de TVA (y a-t-il des comptables dans mon lectorat ????)
Il faut donner du temps au temps comme on dit.
Dans tous les cas il convient de ne pas confondre la TVA que l’on doit aux impôts avec…..
Les charges sociales de l’URSSAF
Là aussi, j’ai eu tendance à faire la feignasse dans le cadre de ma première société, et de faire appel à ma comptable préférée lorsqu’il s’agissait de gérer les salaires et les charges sociales de mes salariés.
C’est d’ailleurs ce que je vous conseille de faire si vous créez un jour une SASU, ou tout autre type de société. En général, si vous en êtes là, c’est que vous avez les moyens de vous payer un comptable.
En revanche, c’est plus difficile de payer une comptable quand on débute, notamment en autoentreprise. Je m’étais rapproché d’une comptable qui m’avait notamment dit que ça ne servait pas à grand-chose de faire appel à ses services lorsqu’on était autoentrepreneur en prestation de service, et que cela devenait intéressant à partir du moment où l’on faisait près de 10 000€ de dépenses annuelles.
Bref. Revenons donc à la question des charges sociales, notamment dans le cadre de l’autoentrepreneuriat.
Vous devez tous les mois, ou tous les trois mois en fonction de l’option que vous avez choisi lors de la création de votre autoentreprise, déclarer votre chiffre d’affaires, c’est-à-dire le montant qui a joyeusement atterri sur votre compte en banque grâce à vos clients.
L’URSSAF va donc directement calculer à partir de ce chiffre d’affaires quel va être le montant associé aux charges sociales à payer.
Dans le cas d’une activité d’EC indépendant en prestation de service, il y a le taux de cotisations sociales (24,2% en 2021 pour les prestations de service en régime BNC, plus sur les BNC dans un prochain épisode) plus le taux de cotisation pour la formation professionnelle (0,2%). En tout cas c’est ce que je peux lire sur mes déclarations mensuelles à l’URSSAF.
Donc, si vous avez réalisé 1 000 € HT de chiffre d’affaires en ce mois pluvieux de novembre, vous devrez verser 1 000 * 0,244 = 244 € de charges sociales à l’URSSAF.
Pour les pioupiou qui débutent tout juste, vous pouvez également faire appel à un dispositif au doux nom de ACRE pour payer moins de charges pendant un an. Il faut juste satisfaire une des conditions présentées sur cette page du service public.
Vous l’aurez compris tout au long de cet article, le site du service public est votre ami.
Si vous pouvez bénéficier de l’ACRE petits chanceux, vous pourrez bénéficier d’un taux de cotisations sociales de 11% et non de 22% !
C’est toujours ça de pris quand on débute.
***
Donc quand vous commencez à réfléchir à comment facturer, réfléchissez à combien vous souhaitez réellement avoir in fine sur votre compte en banque.
Car vous devrez ajouter à ce montant les cotisations sociales, de formation pro, et éventuellement la TVA.
Et dire que je n’ai pas encore parlé de l’option sur le versement libératoire…. Mais ça sera pour un prochain post.
A chaque jour suffit sa peine.
Vous êtes chercheur, vous souhaitez développer votre activité d’indépendant et vous avez plein de questions ? N’hésitez pas à participer aux apéro-coaching.
One thought on “ La gestion administrative pour les nuls, adaptée aux enseignants chercheurs indépendants – Partie 1 ”
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